Ghada Hamrouche
Yasmina Khadra solde-t-il ses comptes avec l’Algérie? L’auteur qui a fait une incursion, vaine, en politique en essayant d'être candidat à l'élection présidentielle semble avoir la dent particulièrement dure dans son dernier roman paru le mois d’avril dernier simultanément en France et en Algérie chez Julliard et Casbah.
Dans sa dernière déclaration publique, Khadra a décrété que les Algériens étaient un peuple "mort". On retrouve cette vision dans le dernier ouvrage peuplé de criminels, de losers, de pervers et de corrompus.
"Il y a ceux qui font d’une lueur une torche et d’un flambeau un soleil et qui louent une vie entière celui qui les honorent un soir ; et ceux qui crient au feu dès qu’ils voient un soupçon de lumière au bout de leur tunnel, tirant vers le bas toute main qui se tend à eux. En Algérie, on appelle cette dernière catégorie : les Béni Kelboun. Génétiquement néfastes, les Beni Kelboun disposent de leur trinité : ils mentent par nature, trichent par principe, et nuisent par vocation. Ceci est leur histoire." Voilà donc le lecteur entrainé dans un monde censé être le sien.
Les Rboba d'Alger
A travers ce roman noir violent, le soldat Mouleshoul affirme avoir voulu rendre compte d’une réalité sociale précise dans un pays broyé, sous l’emprise d’une poignée de «révolutionnaires» autoproclamés héros de la nation.
Khadra les baptise Les "rboba d’Alger". Ces "Dieux" des temps modernes, immortels et indétrônables, ils font et défont les destinées, décident de la pluie et du beau temps. Khadra peint en noir ce qui fait un peu la fierté des Algériens. Alger la blanche n’a de blancheur que celle que l’on comparerait, volontiers, à «un passage à vide.» Alger "n’est plus qu’une ruine mentale", pense Ed Dayem, un véreux patron de presse au service des "maîtres des lieux".Une allégeance qui ne le prémunit ni de leurs menaces ni de leurs représailles.
Convoqué à Alger par l’un des ces " Dieux " de la ville, il ne peut s’empêcher de penser «ah ! Alger, Alger… Inscrits aux abonnés absents ses saints patrons se cachent derrière leurs ombres, un doigt sur les lèvres pour supplier leurs ouailles de faire les morts ; quant à ses hymnes claironnants, ils se sont éteints dans le chahut d’une jeunesse en cale sèche qui ne sait rien faire d’autre que se tourner les pouces au pied des murs en attendant qu’une colère se déclare dans la rue pour saccager les boutiques et mettre le feu aux édifices publics. Hormis une minorité de snobinards qui emprunte à Paris ses pires défauts, c’est l’abâtardissement métastasé.".
Pendant qu’Edayem consent à s’acquitter de la nouvelle sale besogne qu’on lui a confiée, quelque part ailleurs en ville, un meurtre est découvert. C’est là, où commence la mission de la commissaire Nora.
Un bon polar à lire
Le polar décrit une société où tous les repères moraux se sont effondrés et où tout se monnaye. Ancien directeur du Centre Culturel Algérien à Paris Khadra affirme n'avoir été candidat à la candidature que "pour mieux s’imprégner du climat politique dégénérescent d’Alger". Il décrit un système aux rouages archaïques gangrenés par la corruption.
Les élites aussi, en prennent pour leur grades dans cet Alger hideux: "L’élite politique et l’élite pensante, la première est une caisse résonnante, la deuxième est un tambour funèbre", assène le soldat Moulesshoul. "Le problème est foncièrement culturel. Nous avons une sale mentalité. Qu’un célèbre humoriste vienne nous divertir, on lui rentre dans les plumes. Qu’un réalisateur nous gratifie d’une avant-première mondiale, on le descend en flammes... ."
Qu’attendent les singes reste, cependant, un bonne bonne intrigue policière. L’enquête sur l'assassinat d'une jeune fille se greffe à des drames personnels, sociaux, intimes ou existentiels. Cela donne une image pessimiste du pays. A l'image d'Alger qui "s’enlise dans ses bourbiers". Un bon polar noir à lire pour les Algériens qui ont une surdose d’optimisme. Pour les autres, il faut attendre de meilleurs jours pour plonger dans ce roman violent.
Qu’attendent les singes, Yasmina Khadra, Casbah éditions, avril 2014, 356 pages, 950 da
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