8 d’abril del 2016

Caryl Férey, roman noir et attitude rock

[canoe.ca, 7 avril 2016]


S'il n'était pas auteur de romans noirs à succès, Caryl Férey serait probablement musicien: le rock est un mode de vie pour ce «rebelle» revendiqué, dont le nouveau livre Condor donne lieu jeudi à une lecture musicale par Bertrand Cantat.
Né le 1er juin 1967, le jour-même où sortait le tout premier album d'un certain David Bowie, l'une de ses idoles, Caryl Férey est resté fidèle à ses idéaux d'une jeunesse rythmée par les Clash ou les Bérurier Noir: une «aversion pour le pouvoir», pour le capitalisme échevelé et «l'oppression».
C'est ainsi que l'auteur, qui doit son prénom au condamné à mort et écrivain américain Caryl Chessman, s'est intéressé à la cause des minorités. Il y eut d'abord les Maoris dans Haka et Utu, ses livres situés en Nouvelle-Zélande, puis les zoulous dans l'Afrique post-apartheid pour son premier grand succès (Zulu en 2008).
Il se concentre désormais sur les Mapuches, indiens d'Amérique du sud, pour Mapuche (2012), situé en Argentine, et son nouveau roman, Condor(Série noire/Gallimard), qui nous emmène au Chili.
«J'ai fait le tour du monde quand j'avais 20 ans, ça m'a donné le goût du voyage. Et quand j'ai lu Ellroy un peu plus tard, j'ai vu qu'on pouvait tout mettre dans un roman noir: politique, société, histoire...», explique-t-il, boucle à l'oreille et cigarette au bec, en recevant l'AFP dans son appartement parisien.
Dans son nouvel album, du nom du plan Condor mis en place dans les années 70 et 80 par des dictateurs sud-américains pour éliminer les opposants, les personnages sont en proie aux démons du passé, la chute d'Allende en 1973 et la dictature de Pinochet. L'occasion pour Caryl Férey, au-delà d'une enquête haletante, de se livrer à une critique du néo-libéralisme mis en place dans ce pays avec Pinochet.
«J'adore les codes du polar, mais ils sont faits pour être dépassés. C'est comme en musique, on ne va pas continuer à faire le même rock que dans les années 60», dit-il, avec ces analogies musicales dont il raffole, pour justifier son envie de romans denses, sur lesquels il passe quatre ans, ne se limitant pas au simple «polar».

UNE «ALLÉGORIE» DU CHILI

Le rock est un mode de vie pour celui qui a longtemps vécu de petits boulots (usine, abattoirs, bars) et de l'aide sociale plutôt que de l'écriture. Et notamment lors de ses jeunes années à Rennes, la ville des Trans Musicales, où il développe le goût des marges.
L'école, où «on ne nous faisait lire que des classiques», ne l'a jamais emballé. Il a fini ses études par correspondance mais passait déjà le plus clair de son temps à écrire pour ses amis. «Entre 16 et 20 ans, j'ai écrit 4000 pages sur de gros cahiers... C'était post-apocalyptique, complètement destroy. J'avais vu Mad Max 2 et ça m'avait super-influencé, cet univers rock, ce héros qui n'en est pas un.»
Dans ses livres aussi, ses «héros» sont souvent un peu «tordus».
Dans Condor, il s'agit d'un avocat issu d'une bonne famille qui préfère prendre la tangente en défendant les causes perdues. Un avocat parfois cynique et dont la face sombre apparaît dans des pages qu'il noircit en cachette. «Mes héros ne sont pas des chevaliers blancs, ils ont souvent un côté assez violent, ils sont en lutte», dit-il.
Un texte «poético-destroy» écrit par l'avocat surgit au beau milieu du livre, constituant un «roman dans le roman».



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