21 de desembre del 2013

Yasmina Khadra, l’écrivain qui veut devenir président

[RFI, 20 décembe 2013]

 Pierre Cherruau

Le plus connu des romanciers algériens a décidé de se présenter à la présidentielle d’avril 2014. Malgré sa notoriété croissante, Yasmina Khadra reste un adepte de la prise de risque.

photo:  E Robert-Espalieu

Lorsqu’il dédicace ses livres, Yasmina Khadra semble animé d’une intense concentration. Il est d’autant plus appliqué que la foule se presse autour de lui, d’Alger à Paris en passant par Saint-Etienne ou Aix-en-Provence. Yasmina Khadra fait partie de cette catégorie rare d’écrivains qui a acquis un public de lecteurs très fidèles.

En une décennie, Khadra est devenu l’un des plus lus des écrivains francophones, sans battage médiatique excessif. Désormais, il passe une grande partie de son temps dans les avions, sollicité par des événements littéraires partout dans le monde. Khadra est engagé dans une course contre la montre. Son temps est d’autant plus compté qu’il vient de se porter candidat à la présidentielle algérienne d’avril 2014. Une nouvelle qui a beaucoup étonné en Algérie et en France, le pays où il vit désormais une grande partie de l’année. Aujourd’hui, lorsqu’il arrive en Algérie, un tapis rouge l’attend, mais il n’en a pas toujours été ainsi.

Qui se cache derrière le « Jasmin vert » ?

C’est la France qui lui a apporté la gloire littéraire. D’une étrange manière grâce à un pseudonyme féminin, Yasmina Khadra, « Jasmin vert » en arabe. Lorsque Morituri, son premier roman, est publié en 1997 à Paris dans une jeune maison d’édition, Baleine qui s’est rendue célèbre en popularisant les aventures du Poulpe (un enquêteur libertaire), le succès est immédiat. Les romans noirs de Yasmina Khadra sont bien menés et visiblement très bien informés. Qui se cache derrière le « Jasmin vert » ? Telle est alors la question qui taraude les milieux de l’édition parisiens et les spécialistes de l’Algérie.

Chaque année, un nouveau Khadra est publié et son succès ne fait que croitre. Le monde des lettres reconnait désormais que Yasmina Khadra n’est pas seulement bien informé, mais qu’il ou elle possède l’étoffe d’un grand écrivain qui sait créer des personnes de chair et de sang et restituer une atmosphère algérienne. Son « écriture sensible » à l’image de celle d’un Camus ou d’un André Brink conquiert rapidement un public qui lui reste fidèle de romans et romans et s’élargit rapidement.

Un ex-officier de l'armée algérienne

Le succès venu, Yasmina Khadra sort de l’ombre. Le grand public découvre alors qu’il s’agit d’un ex-officier de l’armée algérienne qui abandonne progressivement le roman noir au profit de la littérature blanche. « J’ai choisi le prénom Yasmina pour rendre hommage aux femmes », explique celui qui leur donne bien souvent des rôles majeurs dans ses romans.

Issu d’un milieu populaire et formé dans une école militaire en français et en arabe, il se révèle peu à peu dans ses récits autobiographiques, notamment dans ses textes les plus courts, tels que la Rose de Blida (Editions Après la lune). Il explore des relations franco-algériennes, mais il s’interroge surtout sur les ressorts de la barbarie. Comment en vient-on à torturer ou à exécuter un homme ou une femme ? Des questions qu’il se pose à propos de l’Algérie, mais aussi de l’Irak, de l’Afghanistan ou la Somalie. A chaque nouvelle parution, son public le suit toujours plus loin, même dans son roman africain sub-saharien, qui fait écho Au cœur des ténèbres, de Joseph Conrad.

Un fin observateur de la vie politique

Yasmina Khadra se joue des frontières, comme il se joue des identités, comme il se moque des étiquettes. Au moment même où il est devenu un écrivain révéré, Khadra décide de changer de cap : le romancier se lance dans la campagne présidentielle algérienne.

Observateur avisé de la vie politique de son pays, l’auteur à succès sait que l’arène algéroise est particulièrement redoutable et que les coups vont pleuvoir. Pourtant, Khadra ne semble guère s’en soucier. Comme s’il n’avait pas peur de prendre des coups ou comme s’il savait que pour continuer à avancer il fallait aussi accepter d’en recevoir. Quel message veut- il porter ? « Un pays qui se contente d’une rente (pétrolière) sans pour autant se préoccuper des générations de demain est en danger mortel », s’insurge Yasmina Khadra qui regrette que l’ensemble de la population ne profite pas davantage de la manne pétrolière.

Une chance à saisir...

Il affirme que sa candidature est avant tout celle d’un « citoyen en colère, incapable de se résoudre à l’idée de voir son pays se décomposer à l’ombre d’un monde impitoyable ». Peut-il être élu président sans avoir un parti pour le soutenir ? Seul face à des machines bien huilées ? « Je suis en train de faire du porte-à-porte. Hormis des universitaires et des étudiants, peu de célébrités m’ont rejoint, d’autres demandent à voir, d’autres encore ont peur pour moi. Il faut qu’ils réalisent qu’une chance inouïe se présente, une chance à saisir au vol, car il n’y en aura pas d’autres avant longtemps », affirme l’écrivain. Plein d’enthousiasme, le candidat avertit : «Pour les gens convaincus, rien n’est perdu d’avance. Le pouvoir peut verrouiller l’ensemble des accès, traficoter les codes, se surpasser en prestidigitations combinatoires ». Mais, ajoute-t-il avec conviction, « il ne peut museler indéfiniment le peuple ».



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