NOIR, C’EST NOIR – Le crime vous passionne ? Chaque semaine, retrouvez le coup de cœur de Marc Fernandez, notre expert du roman policier. Aujourd'hui : " Les fleurs ne saignent pas", d’Alexis Ravelo (Editions Mirobole).
Changement d’heure, températures en
baisse, nuit qui tombe plus tôt. Les premiers symptômes sont apparus, l’hiver
approche. Et si vous partiez au pays du printemps éternel ? Pour cela, rien de
plus simple, il vous suffit d’ouvrir le roman d’Alexis Ravelo, Les fleurs ne saignent pas (Mirobole éditions). Direction les Canaries, vous y
découvrirez ses plages magnifiques, ses beaux paysages, sa douceur quotidienne.
Mais aussi sa face cachée. Celle des petits et des grands voyous. Celle du
combat entre ceux qui n’ont rien ou presque et ceux qui ont tout. Vous vous délecterez d’une histoire bien sombre et qui ne
manque pas d’humour (noir). Car, franchement, qu’est-ce qui est passé par la
tête de ce groupe de petits malfrats quand ils ont décidé d’enlever la fille du
grand mafieux local ? Ils pensaient peut-être pouvoir s’échapper ? Ils ont juste oublié qu’ils
étaient sur une île...
C’est qui ?
Alexis Ravelo. Ce nom ne vous dira
probablement rien. Normal, puisqu’il s’agit de son premier roman traduit en
France. Pourtant, cet auteur né aux Canaries
en 1971, est déjà bien connu des amateurs de polar ibériques. Il a commis
plusieurs pièces de théâtre, des recueils de nouvelles fantastiques et déjà
neufs romans noirs, grâce auxquels il a été lauréat de plusieurs prix
prestigieux, dont le prix Hammet au meilleur polar en langue espagnole en 2013,
pour La Estrategia del pequinés (non traduit). Il a reçu le prix du meilleur
roman du festival Valencia Negra 2015, l’un des salons qui comptent de l’autre
côté des Pyrénées, pour Les fleurs ne saignent pas.
Ça
parle de quoi ?
Bienvenue aux Canaries. Derrière
l’image des plages magnifiques, se cache une autre réalité. Celle de Lola, du
Marquis, du Sauvage et du Flippé. Et celle d’Isidro Padrón et de sa fille
Diana. Deux mondes qui s’opposent. Le premier est un groupe de petits
délinquants, de gens au chômage qui vivent de larcins et d’escroqueries. Padrón
lui, est un entrepreneur richissime de l’île, arrivé là grâce à la corruption
et la politique. Lola et ses complices décident de monter un gros coup qui les
fera sortir de la misère pensent-ils : enlever Diana pour réclamer une rançon.
Rien que ça. Ils sont sûrs que son mafieux de père ne contactera pas les flics
vu la provenance plus que douteuse de sa fortune. Bien sûr, rien ne se passe
comme prévu. Il y a des morts, beaucoup de morts. Car Padrón a des hommes de
main qu’il envoie sur leurs traces. Mais l’amateurisme de ces kidnappeurs en goguette décontenance les mafieux
professionnels…
Pourquoi on aime ?
Les
fleurs ne saignent pas est
un roman choral très bien écrit, aux personnages forts, aux dialogues ciselés.
Une intrigue bien menée, pleine de rebondissements, dans un décor peu vu
jusqu’ici (les Canaries) et une structure narrative originale (impossible à
dévoiler ici sans révéler les secrets de ce texte). La force de ce roman
provient aussi de la double lecture que l’on peut en faire : derrière le roman
policier, on trouve une critique sociale très dure des inégalités engendrées
par le capitalisme sauvage, de la corruption dont l’Espagne est victime, de la
violence physique comme conséquence de la violence structurelle. "Ce roman fait le portrait d’êtres humains perdus dans
le naufrage du capitalisme", dit l’auteur. On assiste à un duel, celui des
petits malfrats face aux délinquants en col blanc. Les premiers agissent de la
sorte pour survivre. Les seconds par pure ambition. Et
Ravelo nous prouve que le roman noir espagnol ne se cantonne pas à Madrid ou
Barcelone, pour notre plus grand plaisir.
>> Les fleurs ne saignent pas,
d’Alexis Ravelo, trad. Amandine Py. Editions Mirobole, coll. Horizons noirs, 416 pages, 22 €
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