26 de maig del 2014

Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx

[Tête de lecture, 26 mai 2014]

Sandrine


Tout commence le 17 février 1961 à Paris. Quelques Français algériens se préparent à aller familialement et pacifiquement protester contre un couvre-feu. La France est alors submergée d’attentats, la violence et les morts s’accumulent aussi bien du côté de l’OAS que du FLN. Dès que les premiers manifestants se mettent en marche, les CRS entrent en action : ils frappent, ils tirent, ils traquent et laissent sur le pavé… quatre morts officiellement. La réalité est bien plus sanglante, mortelle, injuste. Meurtres pour mémoire s’ouvre sur un massacre, se poursuit sur un autre.

L’inspecteur Cadin enquête

Roger Thiraud, jeune professeur d’histoire bientôt papa est lui aussi tué ce 17 février : abattu de plusieurs balles par un homme déguisé en CRS. Vingt ans plus tard, son fils Bernard est à son tour assassiné. L’inspecteur Cadin de la police de Toulouse est chargé de l’enquête. Rien dans la vie du jeune homme ne conduit nulle part : il partait en vacances avec sa fiancée, se passionnait comme son père pour l’histoire. Cadin donc à en savoir plus sur la mort de son père. Or, il n’y a pas eu d’enquête, il était une victime de plus durant les manifestations. Mais Cadin est un têtu, il essaie de savoir si le père avait des relations secrètes avec l’OAS.

Le passé qui ne passe pas

L’obstination d’un homme va permettre de remonter plus loin encore dans le passé, celui qui dérange, celui dont on ne parle pas. Car père et fils travaillaient sur un historique de Drancy, ville natale de Roger Thiraud. Plus particulièrement sur Drancy pendant la guerre. Et sur les dirigeants, sur ce que sont devenus ceux qui pendant l’Occupation tenaient les rênes du pouvoir via le nouveau pouvoir en place et firent preuve d’un zèle plus efficace encore que ce que l’on attendait d’eux. 

Meurtres pour mémoire est aujourd’hui devenu un classique. Mais à l’époque de sa sortie, en 1983, il a été boycotté, tant pour ses positions sur la guerre d’Algérie que pour ce qu’il dévoile de l’attitude des hauts fonctionnaires pendant l’Occupation. Car à cette époque, Maurice Papon (car sous couvert de pseudonyme, c’est bien de lui qu’il s’agit), vivait des jours paisibles à Gretz-Armainvilliers, sa ville natale que j’habitais alors. Il a fallu l’acharnement de quelques-uns pour que la France ouvre les yeux sur son passé, pour qu’on parle.

Littérature et mémoire

Didier Daeninckx oeuvre dans le roman noir, sous forme ici de roman policier avec crimes et enquête. Mais cette enquête prend une toute autre dimension puisque c’est de crime d’Etat dont il est question. Meurtres pour mémoire démontre ce que peut la littérature : par sa volonté de mettre au jour ce qui est enfoui, grâce à son talent d’écrivain sans compromis, Didier Daeninckx donne au grand public les moyens de savoir et de réfléchir. Si ce roman fait aujourd’hui figure de roman historique, il n’a rien perdu de sa force dénonciatrice. Trente ans ont passé mais les événements qui ont entouré la guerre d’Algérie ne sont guère plus mis au grand jour. Toujours, on préfère le silence et l’oubli, ces deux fossoyeurs d’un honteux passé. Mais qui enterre son passé n’affronte pas le présent les yeux ouverts. 

Pour Didier Daeninckx, il n’est pas question d’Histoire, mais de mémoire.



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