10 de novembre del 2013

Pour saluer Claude Mesplède !

[Algérie News, 12 octobre 2013]

Abdelmadjid Kaouah

Claude Mesplède est un véritable monument en tant qu’historien des littératures policières du monde. Carrefour obligé d’une connaissance sérieuse et méticuleuse, approfondie du polar. Dans tous ses états et métamorphoses depuis son avènement. Il est, notamment, l’auteur du «Dictionnaire mondial des littératures policières», éditions Joseph K., 2008. Un ouvrage de référence internationale. Mais on peut dire, pour l’avoir un peu approché, que Claude Mesplède est aussi un monument de modestie et de générosité. Et de beaucoup d’humour subtil. Il vient du monde du travail, a connu le pointage en usine, le militantisme syndical. Reçu au concours d’apprentis d’Air France, il abandonne la filière littéraire au profit de celle de la technique. Ainsi, il intègre en septembre 1954 le Centre d’instruction de Vilgénis à Massy Palaiseau (Essonne). A l’issue de trois années d’apprentissage, titulaire du CAP de maintenance aéronautique (filière équipements) il est affecté en juillet 1957 au centre industriel d’Air France à Orly-Nord. En 1978, il obtient une mutation pour les ateliers d’Air France à Toulouse où il travaille jusqu’en juillet 1993, date à laquelle il abandonne la filière technique au profit d’activités littéraires et culturelles. En réalité, il ne les avait jamais abandonnées du fait des diverses responsabilités syndicales locales et nationales qui ont jalonné sa carrière. En 1963, il a été le plus jeune élu du comité central d’entreprise Air France, et secrétaire-adjoint du CE Orly-Nord (qui comptait 5 000 salariés). Peu de lexicologues peuvent arborer un pareil curriculum vitae. C’est dire, et ce n’est guère un secret, que Claude Mesplède a la fibre sociale. Et dans le polar, c’est celui qui scrute et donne à voir les méandres et les aspirations contrariées, confrontées à l’oppression ou à la corruption, qui retient ses faveurs. Le Noir sied bien au social. Aujourd’hui, on peut dire qu’il frôle une certaine éternité. Le grand et déroutant romancier américain, James Ellroy, «le plus grand», selon le critique, a donné le nom de Mesplède à l’un de ses personnages. Il n’est pas le seul d’ailleurs. Les écrivains sont avant tout des amis qu’il rencontre dans un rapport qui n’a rien des grands-messes universitaires, savantes et guindées.
C’est plutôt autour d’un bon « gueuleton », bien parfumé, qu’il va au plus loin, au plus profond de leurs ressorts et de leur passion de l’écriture. Bien sûr, il a ses préférés et ses préventions argumentées. Mais il ne donne pas dans le culte des idoles. J’ai vu durant le Festival 2012- où « L’indépendance de l’Algérie : de l’histoire à la fiction, 50 ans après » était l’un des thèmes majeurs de cette édition, combien il était attentif aux jeunes auteurs, en l’occurrence, ceux de jeunes auteurs venant de la banlieue, leur offrant de coûteux dictionnaires… Certains préfèrent évoquer un autre cliché bien en vogue,  « quartiers sensibles » (tiens, cela ferait un bon titre de polar, si ce n’est déjà pris).   Claude Mesplède connaît fort bien l’inspecteur Lob (pour l’heure disparu des radars) de Yasmina Khadra et autres auteurs algériens de polars, méconnus dans leur propre pays. J’ai eu à assurer l’interphase d’une sollicitation d’entretien pour un journal de collège (Carbone 31 – avec un seul «n»- 31 pour ne pas le nommer). Il y a répondu sans retard, généreusement. Au-delà de l’espérance des collégiens mus en interviewers en herbe. Des dizaines de demandes d’interviewes, d’entretiens, d’émissions lui parviennent de France et de Navarre et des quatre horizons u monde, et Claude Mesplède  a pris le temps de répondre. Tenez-vous bien par écrit, dérogeant à la règle qu’il aime qu’elle soit respectée : les journalistes doivent faire leur travail : poser les questions et noter eux-mêmes les réponses.
Il accompagnera ses réponses par un message d’encouragement au journal du collège ! Claude Mesplède a signé des dizaines d’articles dans Encyclopædia Universalis, Livres-Hebdo, Autrement, ainsi que dans les revues Encrage, Europe, Les Temps Modernes,… Sa bibliographie est impressionnante. Il suffit de signaler aussi ses titanesques «Années Série Noire» (Encrage). Tomes 1 à 5 (1945-1982). Une étude de la collection Gallimard. Chaque volume analyse 500 titres (résumé, critique, citation, curiosités) index: thèmes, personnages, traducteurs, lieux) qui a obtenu le Trophée 813 de la meilleure étude policière de l’année. Claude Mesplède a signé un roman qu’on peut trouver dans une édition revue et corrigée par l’auteur dans ses «30 ans d’écrits sur le polar, volume 1» aux éditions Krakoën, 2013). C’est le «Le cantique des cantines», précédemment paru dans la série «Le Poulpe» 265, éditions Baleine, 1996. C’est sous son impulsion que le Festival international des littératures policières de Toulouse a vu le jour (Lire : «A bâtons rompus avec Claude Mesplède: James Ellroy c’est le plus grand»). La cinquième édition vient d’ailleurs d’ouvrir ses portes au Forum de la librairie La Renaissance avec un programme d’une grande teneur.
En auteurs et en œuvres. Le fameux James Grady, en est l’un des invités d’honneur. C’est l’auteur d’un fameux roman adapté au cinéma par Sydney Pollack sous le titre des «Trois jours du condor» (à l’origine, ils étaient six) avec pour premier rôle inoubliable l’infatigable redresseur de torts (hélas surtout au cinéma), Robert Redford ! Sans oublier d’autres prestigieux auteurs. Pas moins de 50 auteurs venant de 10 pays différents. Nous y reviendrons prochainement. Mais à signaler, une fois n’est pas coutume, une romancière du polar, la Saoudienne  Raja’a Alem, née à La Mecque en 1970 qui vient présenter «Le Collier de la colombe», traduit pour la première fois en français. Raja’a Alem fait partie des six auteurs sélectionnés pour le Prix Violeta Negra 2013, pour son roman «Le Collier de la colombe» (Stock 2012). Un roman présenté comme noir, insolite dans des dédales qui n’échappent pas à la corruption et la confrontation d’un monde arabe écartelé entre conservatisme et modernité. Il n’y avait que Polar du Sud, l’association toulousaine présidée par Claude Mesplède qui pouvait réunir l’Américain James Grady, pourfendeur des dérives mortifères de la CIA et une belle jeune femme d’Arabie avec son collier de la colombe. Puisse-t-elle voler bien haut et bien loin. Et surtout longue vie à Claude Mesplède pour nous donner, pourquoi pas, une belle grande encyclopédie du polar !


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