3 de febrer del 2016

Rivages/Noir : trente ans de crimes en toute impunité

[Les Echos, 3 février 2016]

Véronique Richebois



La collection de polars mythique de Gallimard (sic) célèbre ses 30 ans et son millième titre.

François Guérif n'a rien lâché, rien cédé, et le temps semble lui donner raison. A soixante et onze ans, le parrain du polar en France vient de célébrer en petit comité le 30e anniversaire de la collection Rivages/Noir, principale rivale de la Série Noire de Gallimard.
Une fête orchestrée au Comptoir Général, quai de Jemmapes, où les plantes vertes, les animaux empaillés et les meubles industriels côtoyaient pour l'occasion les couvertures Rivages/Noir signées des grands auteurs américains révélés (ou relancés) par la maison : James Ellroy, Jim Thompson, Tony Hillerman, Charles Williams, Donald Westlake... François Guérif peut être fier de son bébé : la maison d'édition s'apprête à publier le numéro 1.000 de sa collection avec « Gravesend », de William Boyle. « Le choix d'un total inconnu symbolise le perpétuel renouvellement du genre »,confie François Guérif. Cette philosophie est aussi un impératif pour une collection devenue une institution : elle a réalisé un chiffre d'affaires de 4,5 millions d'euros en 2015, édite une moyenne de 25 à 30 titres chaque année et a publié près de 300 auteurs.

Traductions soignées

Le pari n'était pas gagné d'avance. Lorsqu'Edouard de Andreis lui propose de créer une collection de polars chez Rivages, François Guérif a déjà plusieurs tentatives à son actif : Red Label (éditions PAC), Fayard Noir et Engrenage (Fleuve Noir), toutes arrêtées avant le 26titre. Un sort identique semble lui pendre au nez : « Depuis le début, tout le monde me disait que le polar était mort et que l'avenir, c'était la science-fiction », se souvient-il . Mais la publication en 1987 de « Lune Sanglante », 27titre de la collection, écrit par un James Ellroy alors anonyme et refusé par toutes les autres maisons d'édition, lui vaut la reconnaissance de ses pairs. Le style syncopé d'Ellroy, la mise en avant des itinéraires parallèles du tueur et du policier lui attirent même la critique enthousiaste de Jean-Patrick Manchette dans « Libération ».

Un Ellery Queen Award

La petite collection démarre en trombe. Et François Guérif entre, la même année, dans les annales en décrochant le prestigieux Ellery Queen Award du meilleur éditeur de l'année (jamais accordé jusqu'ici à un non-Américain). Prenant à rebours les conventions du genre, Guérif a imposé ses méthodes : la traduction intégrale et soignée des grands auteurs du roman noir, un petit format et, enfin, ces fameuses couvertures granuleuses, aux couleurs passées, tirées de films en noir et blanc des années cinquante, puis colorisées.
« Plus que d'une intrigue, je suis à la recherche d'un style, d'un univers », affirme-t-il.Après avoir explosé dans les années 1990, avec près de 50 titres publiés par an, puis avoir pris, à son corps défendant, une position de notable dans l'édition, Rivages/Noir a trouvé son rythme de croisière. Mais les concurrents toquent à la porte. Chaque maison d'édition peut désormais se targuer d'avoir sa propre collection. La surproduction guette le marché. Tandis que des indépendants, comme Sonatine ou les éditions Gallmeister, creusent activement leur sillon. 



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