31 d’agost del 2015

Mygale : comment le roman noir de Jonquet a séduit Almodovar

[Livres connections, 28 août 2015]


Les amateurs du cinéma d'Almodovar ont toujours été intrigués par le scénario de La piel que habito, tiré duMygale de Thierry Jonquet. Pour dire les choses : voilà un auteur français de romans noirs qui se retrouvent ainsi mis sur le devant du 7e art. C'est curieux non ? Sans préjuger un instant du talent de l'auteur en question ! On ne saura malheureusement jamais ce que Jonquet a pensé du film, puisqu'il est décédé en 2009, deux ans avant la sortie de ce film, plutôt bon au demeurant. Parce que, sans que l'on puisse lui en faire grief, Almodovar a pris des libertés avec le livre, modifiant quelques scènes mais aussi des personnages. Mygale est vraiment plus sombre que le film, plus méchant, plus violent aussi dans la transformation de Vincent-Eve. Mygale c'est un monument de terreur.
On sait tous que le personnage principal, chirurgien esthétique et propriétaire d'une clinique, enlève le jeune homme qui a agressé sexuellement sa fille. Sauf que, dans le livre, la pauvrette, depuis en psychiatrie, a véritablement été violée. Et par deux individus. La froideur du médecin Richard Lafargue contraste évidemment, dans les premières pages, avec la terrible angoisse qui tenaille le malheureux Vincent, attaché dans une cave, reclus, avec une bassine pour ses besoins, quelques restes de nourriture pour ne pas mourir. Lafargue est cette mygale qui a capturé sa proie et la regarde s'agiter, en s'interrogeant sur son futur sort. Ces scènes-là, les introspections et la terreur de Vincent sont purement géniales et avec deux fois rien comme actions, Jonquet crée une ambiance de démence, glauque à souhait. Attention, ça secoue.

Bien sûr il y a toute la phase d'opérations, de travestissement de Vincent en Eve. Mais il y a également, élément important du roman, la présence d'Alex. Ami de Vincent, co-responsable du viol de la fille de Lafargue mais que ce dernier ignore, trop concentré sur le seul Vincent. Alex est un voyou qui vient justement de faire un braquage minable. Pour se sortir des nasses de la flicaille, il imagine changer de visage. Et justement, il vient de voir une émission avec le docteur Lafargue... D'accord, la coïncidence est un peu forte. Mais peu importe, cela fonctionne parfaitement. Et là où Almodovar montre un Alex qui se déguise en tigre, qui vient voir sa mère chez Lafargue, un personnage almodovarien au possible, Jonquet choisit lui, une canaille, un sale mec. Qui se jette dans la gueule du loup en quelque sorte.
On comprend ce qui a pu séduire Almodovar dans le roman. Les interrogations sur le changement de sexe, la féminité chez l'homme, la cruauté aussi, la difficulté du rapport de Lafargue avec sa nouvelle Eve. Et puis cet Alex, complètement dingo, que l'on a déjà croisé chez le cinéaste espagnol. Il y a peut-être du Attache-moi dans ce roman, sauf que c'est bien plus effrayant, jusqu'au boutiste. Almodovar a trouvé dans Mygale, cette parabole qu'il cherche toujours sur la femme et l'homme. Sur leur place, constamment en mouvement.
En 80 pages, Jonquet dit des choses sur l'Homme, sur sa résilience, son désir de vengeance, sur le sexe. Mygale est un condensé de bonnes idées, toutes menées à leur terme. Vite, il faut (re)découvrir cet auteur.
Mygale, 80 pages dans  le recueil Romans noirs, éd. Folio policier, 12 euros.



0 comentaris:

Publica un comentari a l'entrada

 
Google Analytics Alternative