30 de març del 2014

Claude Mesplède, le pape du polar

[La Depeche, 23 mars 2014]

Yves Gabay

«Passeur : j'aime bien ça !» Les lunettes sur le bout de son nez, un large sourire lui éclairant le visage, Claude Mesplède accueille le mot avec enthousiasme et raconte, avec cette joie et cette énergie qui sont le moteur de son action, son engagement, son amour des livres, tous les bons livres, car il a fait sien, pour toujours le mot de Claude Aveline : «Il n'y a pas de mauvais genres, il n'y a que de mauvais écrivains».
Entouré de milliers de livres, il se souvient : «On me disait que le polar, et la BD, que j'adore, étaient des sous-genres. Moi je m'en moquais : j'avais lu la Comtesse de Ségur à six ans, Salammbô à 10, mais aussi les récits mythologiques, les nouvelles de Maupassant, les romans de Zola… et les merveilleuses aventures de la Bible, durant une «quarantaine» due à des oreillons ! Je lisais tout, mais quand je tenais un roman policier, c'était tout de suite : «Mais pourquoi tu lis ces choses-là ?». Alors, plus tard, j'ai voulu, oui, transmettre ces livres dont personne ne parlait. Il existe cinquante livres sur Dostoïevski, mais aucun sur ces romanciers, ces «forçats de la plume» qui ont écrit un ou deux superbes polars : il fallait remédier à cela».

Il a publié une quinzaine d'ouvrages sur le polar

Consciencieux, méticuleux, élève laborieux mais appliqué, Claude se met à consigner dans un carnet le nom de l'auteur, le titre du livre, un résumé de l'histoire et quelques éléments biographiques. Il se met à lire comme un boulimique tous les romans policiers. Aujourd'hui encore, perdu dans un vaste bureau qui compte plus de 15 000 ouvrages, il peut raconter, les yeux pétillants, l'intrigue de la toute première enquête policière qu'il lut, en 1949 : La dernière enquête de l'inspecteur Ralston, de Peter Cheney, et expliquer comment le coupable est découvert, alors qu'il ne l'a jamais relue depuis.
Son fameux carnet en mains, il arpente les quais de la Seine pour débusquer les livres qui lui manquent. Un vendeur regarde par-dessus son épaule : «Hé, mais il nous faut ce livre ! Fais-le publier !». Ce sera «Voyage au bout de la Noire», en 1982, dont un additif trois ans plus tard lui vaudra un passage à «Apostrophes», la mythique émission littéraire de Bernard Pivot. La nouvelle carrière de cet ouvrier militant CGT à Orly est lancée. Il ne cessera, dès lors, de publier - une quinzaine d'ouvrages - de véritables travaux de fourmi, exhaustifs et précieux recensements des livres policiers de tous les pays. Citons ainsi «Les années Série Noire», collection de cinq tomes publiée chez Gallimard entre 1992 et 1996 ; «La crème du crime», avec Michel Lebrun ; «Polars et films noirs», avec François Guérif ; sans oublier le monumental «Dictionnaire des littératures policières», aux éditions Joseph K (2003), riche de 2500 articles et 3 000 photographies.
On n'écrira jamais assez à quel point Claude Mesplède est essentiel à la littérature policière, et à la littérature tout court. Parce qu'il s'extasie toujours de découvrir de nouveaux talents, parce que vous ne l'entendrez jamais râler que «c'était mieux avant».

«Un passeur généreux»

Le grand Didier Daeninckx soulignait «l'attention portée aux écrivains débutants. Nous sommes nombreux à avoir eu notre première critique, notre première interview signée Mesplède». Il est «un passeur, un enthousiaste, un gamin», souligne la journaliste Christine Ferniot, «un passeur généreux, un initiateur qui aime faire se rencontrer les gens lest les genres», renchérit Pascal Dessaint. De fait, il était logique qu'un jour, un festival naisse dans son esprit : ce sera Polars du sud, rendez-vous incontournable des fans de romans policiers. Son nom et son carnet d'adresses assurent la venue de prestigieux auteurs, de Sepúlveda à Tardi en passant par RJ Ellory et tant d'autres. L'aventure durera cinq ans, avant que «l'aventure amicale se dégrade» et impose une séparation entre Claude et les gérants de la librairie La Renaissance, qui accueille l'événement. Une rupture qui n'assombrit même pas son célèbre sourire : Claude Mesplède a mille idées, mille résumés à rédiger, mille auteurs à découvrir et faire découvrir… et encore des millions de livres à lire. L'écrivain québécois Michel Saint-Denis estimait que «lire, c'est vivre en pleine lumière». C'est pas demain la veille que l'on verra Claude Mesplède à l'ombre.


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